Réponse de Fatih Sarikir, président de CIMG France, à la tribune de Frédéric Burnier Framboret, maire d’Albertville.

Mise au point au sujet de l’article du Figaro intitulé :
« Comment je suis obligé d’autoriser
la construction d’une école islamiste turque »

Paris, le 9 avril 2021

Nous avons pris connaissance avec étonnement et indignation de la tribune du maire d’Albertville, Monsieur Frédéric Burnier Framboret, « Comment je suis obligé d’autoriser la construction d’une école islamiste turque », parue dans Le Figaro du 9 avril.

Dans sa tribune, le maire tient à notre égard des propos aussi tendancieux qu’inexacts. Nous nous trouvons donc dans l’obligation de les rectifier.

En premier lieu, notre future école ne sera ni « islamiste » ni « turque ». Nous rejetons avec force l’accusation, parfaitement fausse, que cette école serait fondée pour promouvoir une éducation « sur des bases et des valeurs premières » anti-républicaines.

En fait, il s’agit de fonder une école confessionnelle hors contrat comme il y en a déjà tant en France, la plupart catholiques ou juives, dans le respect parfait de législation, de la réglementation, et des valeurs françaises.

Le projet est porté en toute transparence par l’association locale de la Communauté islamique Millî Görüs, la CIMG Albertville.

Cette école, comme les autres écoles associées avec la CIMG, suivra scrupuleusement le programme de l’Éducation nationale. Elle ne pourra légalement ouvrir ses portes sans l’accord préalable du rectorat, du préfet, et du procureur de la République. Elle sera inspectée régulièrement. Si elle sera initialement « hors contrat », c’est uniquement parce que, légalement, elle doit exister 5 ans avant de pouvoir prétendre à passer un contrat avec l’État. Nous serions très contents qu’elle s’associe avec l’État – comme les écoles privées d’autres confessions – une fois les 5 ans révolus.

Le maire déforme par ailleurs le jugement du tribunal administratif de Grenoble annulant son refus de nous accorder un permis de construire. En fait, en rejetant notre demande, le maire alléguait comme seul motif que le projet manquait de places de stationnement en nombre suffisant. Eu égard au grand nombre de places prévues (87), les magistrats ne pouvaient qu’annuler une décision aussi évidemment mal fondée.

Il est clair désormais que ce faux motif ne fut qu’un prétexte. Les vrais motifs du refus du maire sautent aux yeux à la lecture de sa tribune. Il est parfaitement clair qu’il voulait empêcher à tout prix ce projet en raison de son parti pris, auparavant inavoué, par rapport à notre association qui le porte. Nos conseils nous informent qu’il s’agit, en termes juridiques, d’un détournement de pouvoir.

Ce parti, et cette hypocrisie, étaient déjà évidents en 2016 lorsque la maire précédente a tenté de préempter le terrain du projet afin de nous empêcher de l’acquérir. Le tribunal administratif a également déjoué cette manœuvre, en décidant que la commune ne pouvait justifier d’un projet pour ce terrain, qui seul aurait pu fonder légalement la préemption. La commune n’a même pas interjeté appel du jugement.

Or, l’aspect le plus indigne de la tribune du maire est son obsession avec nos origines, me traitant personnellement de « représentant d’un pays étranger » et caractérisant notre projet comme s’enracinant dans la « crainte clairement exprimée » des dirigeants de la CIMG de « l’assimilation de la jeunesse turque aux valeurs républicaines de la France ».

Je mets au défi le maire de citer une seule occasion où j’ai agi en tant que représentant de la Turquie. Je mets au défi le maire de produire une seule des déclarations de la CIMG exprimant « clairement » cette prétendue « crainte » d’assimilation.

Le pire, c’est la référence du maire à « la jeunesse turque », puisque la jeunesse qu’il nomme ainsi est très majoritairement française, comme moi-même d’ailleurs. Lui, il pense cette jeunesse comme turque. Cette jeunesse, elle se pense, heureusement, comme française. N’est-il pas temps que les élus arrêtent de renvoyer des Français à leurs origines plus ou moins lointaines ?

Il nous semble proprement grotesque de suggérer que notre projet, pour des motifs confus, inexpliqués et inexplicables, serait en contradiction avec la convention de renouvellement urbain dont bénéficie Albertville.

Le maire exprime notamment sa crainte que notre future école attirera des élèves qui autrement iraient dans les écoles publiques. Or, toutes les écoles privées, confessionnelles et non confessionnelles, attirent des élèves qui, si elles n’existaient pas, devraient assister aux écoles publiques. Le maire suggère-t-il sérieusement qu’il faudrait fermer toutes les écoles privées ? Sinon, pourquoi empêcher l’ouverture de la nôtre ?

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Comme il le dit, j’ai effectivement été reçu deux fois par le maire.

La première rencontre a eu lieu avant les élections municipales de 2020. Le maire nous a alors indiqué que, pour des raisons électorales, il devrait s’opposer à notre demande de permis de construire.

À cette réunion, dans l’espoir d’obtenir malgré tout son soutien, nous avons expliqué que notre objectif était de fonder une école respectant scrupuleusement le programme de l’Éducation nationale, qui aurait comme vocation, cinq ans après son ouverture, de passer un contrat d’association avec l’État. Notre école, tout en étant confessionnelle musulmane, serait ouverte à tous, sans distinction d’origine ni de confession, à l’image de très nombreuses écoles confessionnelles catholiques.

Nous avons même exprimé notre disponibilité pour revoir avec lui certains aspects du projet, dont éventuellement sa taille, puisque pour nous l’important était de travailler ensemble avec la commune.

Nous avons proposé d’organiser rapidement une journée portes ouvertes afin de répondre aux questions que notre projet pourrait légitimement soulever et pour consolider notre vivre-ensemble.

Le maire n’a pas voulu s’engager en attendant les élections, et a rejeté notre proposition d’une journée portes ouvertes.

Notre seconde rencontre a eu lieu le 23 mars 2021, le jour même de l’audience du tribunal administratif de Grenoble.

J’ai encore rappelé que, quel que soit l’issue du contentieux, nous souhaitions travailler ensemble avec la ville, dans un état d’esprit apaisé. J’ai encore indiqué au maire que, si c’était la taille de notre école qui faisait problème, il serait envisageable de revoir cette question.

Le maire a encore rejeté notre main tendue.

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La justice de notre pays a désormais rendu un jugement que le maire doit respecter. En ce qui nous concerne, en tant que républicains convaincus, nous avons toujours respecté à la lettre les décisions des magistrats, qu’elles nous soient favorables ou défavorables.

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Non, Monsieur le maire, je ne suis pas le représentant d’un pays étranger. Je suis autant Français que vous, ne vous en déplaise. En me renvoyant, et en revoyant brutalement une jeunesse française, à nos origines, vous ne vous grandissez pas. N’avons-nous pas le droit, dans notre pays qui est la France, d’être des citoyens français musulmans d’origine turque ?

Non Monsieur le maire, la CIMG que je préside n’est pas une association étrangère ni le « bras armé » d’un État étranger, mais tout simplement une association française au service de nos concitoyens français.

Si l’on veut que la France rayonne dans le monde, pour qu’elle soit, comme je le souhaite, un modèle pour tous, l’on ne nie pas la diversité des composantes de la nation, on les respecte toutes.

Eu égard à la gravité des accusations portées contre nous, je consulterai avec nos conseils afin de déterminer si les propos du maire d’Albertville ne constituent pas un abus de la liberté d’expression (diffamations ou injures) condamné par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.